Bruilence
Il faut puiser aux sources du silence pour regarder et écouter.
Le silence, ce n’est pas la cessation du bruit ;
le silence, ce n’est pas l’arrêt du vacarme incessant de l’esprit et du cœur ;
ce n’est pas le produit ni le résultat du désir, pas plus qu’un effet de la volonté.
La conscience, dans sa globalité, est un mouvement incessant et bruyant, évoluant dans des limites qu’elle s’impose elle-même.
Dans ce cadre-là, tout silence ou immobilité est la cessation momentanée du bavardage, mais c’est un silence touché par le temps.
Le temps, c’est la mémoire, et pour elle, le silence est de plus ou moins longue durée ;
le temps et la mémoire peuvent le mesurer, lui offrir un espace, lui donner une continuité —
il devient alors un jouet de plus.
Mais le silence, ce n’est pas cela.
Tout ce qui est élaboré par la pensée reste du domaine du bruit, et la pensée ne peut absolument pas faire silence.
Elle peut se forger une image du silence et s’y conformer, la vénérer,
comme elle fait pour tant d’autres images de sa fabrication.
Ayant fait du silence une formule, elle le nie par là-même ; les symboles qu’elle élabore sont la négation même de la réalité.
Pour que soit le silence, la pensée elle-même doit être immobile et silencieuse.
Le silence, à l’opposé de la pensée, est toujours neuf.
La pensée, étant toujours vieille, ne peut en aucun cas pénétrer le silence, qui est toujours neuf.
Ce qui est neuf devient vieux dès que la pensée le touche.
C’est en puisant aux sources de ce silence qu’il faut regarder et parler.
L’anonymat véritable est issu du silence ; nulle autre humilité n’existe.
Les vaniteux seront toujours des vaniteux, même s’ils se drapent dans l’humilité,
ce qui fait d’eux des êtres durs et cassants.
Jailli de ce silence, le mot amour prend un tout autre sens.
Ce silence n’est pas là-bas quelque part :
il est là où n’est point le bruit que fait l’observateur absolu.
Jiddu Krishnamurti
Le passage suivant est la retranscription de sept pages manuscrites rédigées par Krishnamurti entre 1967 et 1969
Les plus grands événements ce ne sont pas nos heures les plus bruyantes,
mais nos heures les plus silencieuses.
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
Exaspérée par le bruit et le silence
tourner autour du taillis des questions
sans réponses
En rester là à l’heure qui précède le soir
sous la lumière allumée au-dessus du bureau
L’angoisse traîne de ne pas être à la hauteur
d’un baiser prolongé
d’un acte de résistance
Sandra Lillo, Exaspérée par le bruit et le silence
Bruilence :
Plus un bruit ni même le souffle du silence
Sinon la tempête de nos Âmes
© Well, Antar Mauna
Iconographie : Thenoiseapologise (dystopian unsettling artwork)