Je voudrais déposer à tes pieds ce monde terrible
Je voudrais déposer à tes pieds ce monde terrible
Où le chanteur des rues nous tend son chapeau,
Où des anges au manteau usé jusqu’à la corde
Traînent sur les trottoirs sous une pluie funèbre.
Je voudrais déposer à tes pieds en cette ville
La loi suprême et le secret de l’univers,
Tout ce monde sauvage aux feux artificiels,
Dans lequel toi et moi chuchotons nos désirs.
Je suis unique au monde, et il n’est d’autre moi,
Tu es unique au monde, et il n’est d’autre toi.
Et nous n’avons qu’un seul amour, ô mon ami,
Jusqu’à la mort, jusqu’à la fin. Et à nouveau après la mort.
Nina Berberova – Je voudrais déposer à tes pieds ce monde terrible (1926)
d’après une traduction du russe par Alexandra Pletnioff-Boutin
Sans la tendresse des femmes, mes amis, comment vivre ?
Sans la beauté des femmes, qui donc aimer ?
Et qui donc éblouir de nos pauvres yeux ?
Vers qui tendre nos faibles mains ?
Surgissant dans les plis d’une immense toile,
Née dans des livres éternels,
Cette vision depuis toujours en toi
Te regarde et te tend son visage au front noble.
Que tu la nommes Laure, Juliette,
Ou encore Hélène, sans amour
Tu ne pourrais vivre. Tous nous portons ce rêve,
Nul ne peut se soustraire à l’amour.
Nina Berberova, sans la tendresse des femmes
Le
terrible jamais
ne meurt
© Well, Mais par fureur longtemps y survit
Iconographie : Rudolf Koppitz (1884-1936)