Traversée
"C'était un long voyage, mais je le fis tout de
suite. Je dédoublai mon être, et pendant que je
restais engourdi dans une douce chaleur, perdu
pour tout ce qui m' environnait, je me vis
accomplissant cette longue route où l' aspiration
de l' inconnu me guidait par la main.
La traversée était heureuse et je prenais terre à
Alexandrie ; un petit bateau à vapeur me conduisait
au Kaire ; pendant deux jours seulement j' y
restais, courant vite aux mosquées d' El-Azar et
du Morostan, faisant une rapide visite aux tombeaux
des khalifes et, avec le regret de n' avoir pas eu
le temps d' aller escalader les pyramides, je
m' enfermais dans une petite voiture en bois que
deux chevaux au galop emportaient à travers le
désert de Suez.
Un bateau à vapeur m' attendait, encombré d' anglais
de la compagnie des Indes ; nous partions
joyeusement au souffle du vent d' ouest qui nous
poussait à travers la mer Rouge et nous faisait
franchir, sans trop de malheurs, le terrible détroit
de Bab-El-Mandeb. à Aden, où j' achetais de
jolis moutons blancs et noirs, nous relâchions pour
renouveler l' eau et le charbon. Nos roues
clapoteuses tournaient de nouveau, battaient de
leurs palmes bruyantes les flots de l' océan indien,
et nous reprenions notre route. On s' arrêtait
d' abord quelques heures à Bombay, défendue par
son énorme citadelle, ensuite à Ceylan, l' île des éléphants et des palmiers
gigantesques ; à Calcutta, on restait plusieurs
jours devant les innombrables bouches du Gange,
père de l' Inde. Puis nous passions parmi les îles
Merghi, dans le détroit de Malaka, nous suivions
les côtes de Comboge où pousse la cannelle ; nous
nous reposions dans le canal de Formose du coup
de vent qui nous avait assaillis au golfe du
Tong-Kin, et enfin, après avoir doublé le
promontoire de Shan-Tung, nous jetions l' ancre
dans le golfe de Pékin.
C' est là que je débarquais et que je commençais
réellement mon voyage". Maxime Du Camp, Mémoires d'un suicidé
"Il pleut traverse
sur les chemins
de puits.
Certains déserts
fortuits
n'ont d'oasis
plus perverse
que ces jardins
si lisses..."
Well, Etranges vers sable