On meurt comme on peut
Il paraît qu’on meurt comme on a vécu.
C’était sans doute vrai pour la plupart des gens. Mais ce vieil adage ne tient plus la route.
On ne meurt pas comme on veut.
On meurt comme on peut.
Et souvent, on n’y peut rien.
On meurt dans un corridor d’hôpital après avoir passé des heures à se lamenter.
On meurt seul chez soi sur le plancher de sa cuisine.
Ou placé en CHSLD, ces mouroirs gouvernementaux où l’horaire des repas dépend de la convention collective,
où des bribes d’humanité traînent ici et là.
Les visites, justifiées par la bonne conscience ou l’héritage, y sont rapides.
On y attend la mort comme une sentence qui n’en finit plus de tomber.
Cette mort-là est une insulte à la vie vécue.
Si c’est cette mort-là qui m’attend, je vous le dis tout de suite :
je la refuse.
Je n’en veux pas.
Comme l’humoriste Serge Grenier, je ferais des nœuds dans mes draps pour m’échapper de cette cage.
Isabelle Maréchal, Il paraît qu’on meurt comme on a vécu
Le journal de Montréal - publié le 15 avril 2012
— Laissez-moi ma vie idéale.
Vos petites tracasseries, vos détails de la vie réelle, plus ou moins froissants pour moi, me tireraient du ciel.
On meurt comme on peut ;
moi je ne veux penser à la mort qu’à ma manière.
Que m’importent les autres ?
Mes relations avec les autres vont être tranchées brusquement.
De grâce, ne me parlez plus de ces gens-là : c’est bien assez de voir le juge et l’avocat.
Au fait, se disait-il à lui-même, il paraît que mon destin est de mourir en rêvant.
Un être obscur, tel que moi, sûr d’être oublié avant quinze jours, serait bien dupe, il faut l’avouer, de jouer la comédie…
Henri Beyle dit Stendhal (Le Rouge et le Noir (Chapitre LXX)
Si l'on ne croit en rien, si rien n'a de sens et si nous ne pouvons affirmer aucune valeur,
tout est possible et rien n'a d'importance.
Point de pour ni de contre, l'assassin n'a ni tort ni raison.
On peut tisonner les crématoires comme on peut aussi se dévouer à soigner les lépreux.
Malice et vertu sont hasard ou caprice.
On décidera alors, de ne pas agir, ce qui revient au moins à accepter le meurtre d'autrui,
sauf à déplorer harmonieusement l'imperfection des hommes.
On imaginera encore de remplacer l'action par le dilettantisme tragique et, dans ce cas, la vie humaine n'est qu'un enjeu.
On peut enfin se proposer d'entreprendre une action qui ne soit pas gratuite.
Dans ce dernier cas, faute de valeur supérieure qui oriente l'action, on se dirigera dans le sens de l'efficacité immédiate.
Rien n'étant ni vrai ni faux, bon ou mauvais, la règle sera de se montrer le plus efficace, c'est à dire le plus fort.
Le monde alors ne sera plus partagé en justes et en injustes, mais en maîtres et en esclaves.
Ainsi, de quelque côté qu'on se tourne, au cœur de la négation et du nihilisme,
le meurtre a sa place privilégiée.
Albert Camus, L'Homme révolté
Certains jours lèchent
D’autres lâchent
D’autres encore lynchent
Une partition de fragments et cassures, de dissonances
On désire l’amnésie comme une amnistie
On a soif : la mémoire altère. Une pépie : l’eau manque.
Retours de rêves anciens : des nourrissons inquiets, un mutisme persistant, des chutes de bicyclettes, des piqûres de guêpes.
On meurt comme on peut. Dans un trop plein d’abandons. La bouche pleine de coton. On meurt en désordre.
On n’a jamais tout dit.
On meurt où on peut : dans une anfractuosité de rêve, dans une vague scélérate, dans un wagon vide.
Ce serait ça : partir sans saluer, les spectateurs sont déjà loin. Partir sans déglutir, gorge saisie dans l’étau de la honte de n’avoir pas su vivre.
Claire Massart, On meurt comme on peut
On survit comme on peut
On résiste Fauve-qui-veut
Aussi
On attendra
patiemment
jour après jour
"Le Bonheur"
L'instant
ce moment
tellement
soyeux
où l'Amour
le Grand
le sexy
Surgira
incidemment
si pieusement
nous foudroyer
en plein cœur
On aime comme on peut
On pardonne pour le mieux
© Well, La Mort est celle qui prend le couteau par la lame
(d'après un proverbe Bantou)
Fauve-qui-veut !
Les hommes ont peur que les femmes se moquent d’eux.
Les femmes ont peur que les hommes les tuent.
Margaret Atwood, La Servante écarlate
Faire confiance aux hommes,
c’est déjà se faire tuer un peu.
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit