Parc
"Les noms propres sont généralement exemptés de la corvée de signifier. S'ils renvoient à des êtres, ils ne disent rien d'eux. Il y a quelques exceptions à cette règle. Le ParK est un parc. Mais pas un parc comme les autres. Il existe toutes sortes de parcs, pour les plantes, les animaux, les hommes, les entreprises, les véhicules, et même pour les appareils hors service, des parcs de loisirs, de détention, de stationnement, de protection. Le ParK est tout cela, et plus encore. Sa majuscule signale sa singularité absolue. Ce lieu exprime en quelque sorte l'essence universelle des parcs réels et possibles. C'est le parc de tous les parcs, la synthèse ultime qui rend tous les autres obsolètes, le concept universel, l'invariant formel. Tout ce qui peut caractériser en général un parc se retrouve dans Le ParK, mais sous une forme inédite et quelque peu fantastique. D'aucuns diront abominable.[...]
Kalt, son propriétaire russe, a fait fortune dans l'industrie de l'armement et du divertissement, secteurs économiques qui, en dépit de leur apparente hétérogénéité, ne sont pas si étrangers l'un à l'autre, eu égard aux techniques de vente et aux stratégies de distribution qu'ils impliquent. Il s'est fait un nom il y a quelques années lorsqu'il a ouvert dans la banlieue nord de Moscou, entre un échangeur autoroutier tentaculaire et une immense ferraille tenue par des Kazakhs taciturnes, le premier parc de loisir consacré au travail en usine. À l'entrée, dans un immense vestiaire de style soviétique, les visiteurs pouvaient revêtir un bleu de travail et, avec l'aide d'animateurs qualifiés, s'amuser à fraiser une pièce, conduire une machine, fondre de l'acier, assembler un moteur. Cela a amusé le plus grand nombre, et le succès a rapidement été au rendez-vous. Puis, fort de cette réussite, avec l'allant que procure l'expérience victorieuse, cette sorte de confiance en soi démesurée qui incite à tout oser sans se poser de questions, il a créé d'autres parcs aux thématiques originales : le Chantier Enchanté où les clients s'adonnent, après une rapide initiation, au maniement ludique d'excavatrices, grues, tracto-pelles, goudronneuses, foreuses hydrauliques, nacelles élévatrices, tarières automotrices, rouleaux compresseurs, camions chenilles ; ou le Ghetto Noir, dans lequel sont reproduites avec une minutie invraisemblable, qui frise la réplique parfaite, les conditions de vie dans une banlieue sinistrée, gangrenée par les trafics de drogue, la guerre des gangs et les combats de pitbulls. Mais, autant le dire tout de suite, Le ParK relègue définitivement ces parcs aux oubliettes aussi insolites soient-ils. Avec lui, s'ouvre une nouvelle phase dans l'ère du divertissement de masse. En vérité, le terme "divertissement" ne convient même plus. Dans le cas du ParK, nous sommes passés à autre chose, quelque chose qui dépasse, de loin et pour longtemps, le simple loisir, quelque chose qui navigue entre deux eaux tourbeuses. Il ne s'agit plus de "magie dans un espace sécurisé", mais de malaise, de jeux idiots, de décors séniles. Sur ce plan, c'est tout autant un parc d'attractions que de répulsions." Le ParK, Bruce Bégout
"Parc qui ne sonne
ne fait trembler personne"
Well, Fatale attraction