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A Worst A Day : GalerÏe IconographÏk et LittéraÏre
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Qu'on m'enterre sans commentaires !
A Worst A Day : GalerÏe IconographÏk et LittéraÏre
A Worst A Day : GalerÏe IconographÏk et LittéraÏre
  • La photographie est la littérature de l’œil. (Remy Donnadieu) Créer, c’est vivre deux fois. (Albert Camus) J'ai photographié la pluie et la journée est passée entre les gouttes. (Bata Radu) La littérature, c'est la pensée accédant à la beauté dans la lumière. (Charles Du Bos)
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Diaporama Awad Art
10 mars 2023

Ou la vraie vie

 


La romancière Claire Etcherelli est morte

Le roman « Élise ou la Vraie Vie » lui avait valu le prix Femina en 1967.
Elle avait 89 ans.
« Elle nous aura donné son dernier roman Prenez grand soin de m’oublier (2021),
nous ferons en sorte de ne pas suivre son conseil », a témoigné l’éditeur.

Elise ou la Vraie Vie (éditions Denoël), roman d’inspiration autobiographique, avait reçu le prix Femina 1967
et été adapté au cinéma en 1970, avec Marie-José Nat. Le jury du Femina se montra très partagé cette année-là, ne trouvant jamais de majorité absolue, et attendant le dixième tour, où une majorité simple suffisait.

Claire Etcherelli a toujours exploré le vaste territoire des pauvres.
Dans Elise ou la Vraie Vie, elle tirait sa matière romanesque de son expérience à la chaîne en usine,
non en volontaire comme Simone Weil, mais pour gagner sa vie. Elle l’avait faite au moment où la tension était le plus rude entre le peuple français et les travailleurs algériens.
Elise ou la Vraie Vie apporte là-dessus un témoignage vécu.
« Sans doute je n’aurais pas cherché à rencontrer des Algériens, mais le fait de travailler avec eux, de les côtoyer m’a permis de les connaître à un moment où bien peu avaient cette expérience.
C’est cette expérience que j’ai voulu traduire… », expliquera-t-elle au Monde, en 1967.

Malgré les éloges pour son premier roman, Claire Etcherelli garda toujours une certaine distance avec le monde littéraire,
se revendiquant « employée de bureau ».

Le Monde avec AFP, La romancière Claire Etcherelli est morte

Claire Etcherelli, le 15 juin 1978 à Paris

"Tu verras, un jour commencera la vraie vie, disait-il souvent."
Qu'était-ce la vraie vie ?
Plus d'agitation ?
La galerie des portraits humains plus fournie autour de nous ?
Qu'est-ce que cela changerait ?
A quoi saurait-on que la vraie vie commençait ?

Claire Etcherelli, Élise ou la vraie vie

1950s sport Vintage Rare

À six heures, il reste encore un peu de jour, mais les lampadaires des boulevards brûlent déjà.
J'avance lentement, respirant à fond l'air de la rue comme pour y retrouver une vague odeur de mer.
Je vais rentrer, m'étendre, glisser le traversin sous mes chevilles. Me coucher...
J'achèterai n'importe quoi, des fruits, du pain, et le journal. Il y a déjà trente personnes devant moi qui attendent le même autobus. Certains ne s'arrêtent pas, d'autres prennent deux voyageurs et repartent.
Quand je serai dans le refuge, je pourrai m'adosser, ce sera moins fatigant. Sur la plate-forme de l'autobus, coincée entre des hommes, je ne vois que des vestes, des épaules, et je me laisse un peu aller contre les dos moelleux.
Les secousses de l'autobus me font penser à la chaîne.
On avance à son rythme. J'ai mal aux jambes, au dos, à la tête.
Mon corps est devenu immense, ma tête énorme, mes jambes démesurées et mon cerveau minuscule.
Deux étages encore et voici le lit. Je me délivre de mes vêtements. C'est bon. Se laver, ai-je toujours dit à Lucien, ça délasse, ça tonifie, ça débarbouille l'âme.
Pourtant, ce soir, je cède au premier désir, me coucher. Je me laverai tout à l'heure.
Allongée, je souffre moins des jambes. Je les regarde, et je vois sous la peau de petits tressaillements nerveux. Je laisse tomber le journal et je vois mes bas, leur talon noir qui me rappelle le roulement de la chaîne.
Demain, je les laverai. Ce soir, j'ai trop mal. Et sommeil.
Et puis je me réveille, la lumière brûle, je suis sur le lit ; à côté de moi sont restées deux peaux de bananes.
Je ne dormirai plus.
En somnolant, je rêverai que je suis sur la chaîne ;
j'entendrai le bruit des moteurs, je sentirai dans mes jambes le tremblement de la fatigue,
j'imaginerai que je trébuche, que je dérape et je m'éveillerai en sursaut.

Claire Etcherelli, Élise ou la vraie vie

Romano Cagnoni

Surtout ne pas penser.
Comme on dit "Surtout ne pas bouger" à un blessé aux jambes brisés.
Ne pas penser.
Repousser les images, toujours les mêmes, celles d'hier, du temps qui ne reviendra plus.
Ne pas penser.
Ne pas reprendre les dernières phrases de la dernière conversation,
les mots que la séparation a rendus définitifs,
se dire qu'il fait doux pour la saison,
que les gens d'en face rentrent bien tard ;
s'éparpiller dans les détails,
se pencher,
s'intéresser au spectacle de la rue.

Claire Etcherelli, Élise ou la vraie vie

Vintage Snapshots Capturing People Posing with Beer (2)

J'étais comme un être enfermé dans une bulle de verre,
et tout le monde me voyait,
mais personne ne m'entendait.
Et moi, ce que je voulais, c'était casser la bulle pour que quelqu'un m'écoute.

Claire Etcherelli, Élise ou la vraie vie

Kurt-Hutton-10

Le vent arrache le ciel et déchire l'horizon
Les arbres s'envolent en tourbillonnant et s'écrasent avec furie juste à nos pieds
...
Alors ? l'apercevez-vous enfin la Vraie Vie ?

©   Well, Eis supervivemus
        (Nous allons y survivre)
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