Loi
Jeu de lois :
Pression, répression
et barreau maître
"Il commença par dire que jamais, dans le cours de sa carrière,
jamais depuis le premier moment où il s'était appliqué à l'étude des lois, il ne
s'était approché d'une cause avec des sentiments d'émotion aussi profonde, avec
la conscience d'une aussi pesante responsabilité; responsabilité, pouvait-il dire, qu'il n'aurait jamais voulu assumer s'il n'avait pas été soutenu par la
conviction, assez forte pour équivaloir à une certitude, par la conviction que
la cause de la justice, ou, en d'autres termes, la cause de sa cliente, de sa
cliente abusée, innocente et persécutée, devait prévaloir auprès des douze
personnages intelligents, nobles et généreux, qu'il voyait assis en face de lui
Les avocats commencent toujours de cette manière, parce que cela
fait plaisir aux jurés si on leur laisse à croire qu'ils doivent être des gens
bien difficiles à tromper. Un effet visible s'ensuivit immédiatement et
plusieurs jurés commencèrent à prendre avec activité de volumineuses notes." Charles Dickens, Les aventures de monsieur pickwick
"Assez heureuse pour vivre dans un monde dont ma triste
destinée m'exile, chaque jour tu formeras de nouveaux projets, et
chaque jour leur exécution te comblera d'une volupté sensuelle qui ne
sera connue que de toi. Tous les êtres qui t'entoureront te paraîtront
autant de victimes dévouées par le sort à la perversité de ton coeur;
plus de liens, plus de chaînes, tout disparaîtra promptement sous le
flambeau de tes désirs, aucune voix ne s'élèvera plus dans ton âme pour
énerver l'organe de leur impétuosité, nuls préjugés ne militeront plus
en leur faveur, tout sera dissipé par la sagesse, et tu arriveras insensiblement aux derniers excès de la perversité par un chemin
couvert de fleurs. C'est alors que tu reconnaîtras la faiblesse de ce
qu'on t'offrait autrefois comme des inspirations de la nature; quand
tu auras badiné quelques années avec ce que les sots appellent ses
lois, quand, pour te familiariser avec leur infraction, tu te seras plu
à les pulvériser toutes, tu verras la mutine, ravie d'avoir été violée,
s'assouplissant sous tes désirs nerveux, venir d'elle-même s'offrir à
tes fers... te présenter les mains pour que tu la captives ; devenue
ton esclave au lieu d'être ta souveraine, elle enseignera finement à
ton coeur la façon de l'outrager encore mieux, comme si elle se
plaisait dans l'avilissement, et comme si ce n'était réellement qu'en t'indiquant de l'insulter à l'excès qu'elle eût l'art de te mieux
réduire à ses lois. Ne résiste jamais, quand tu en seras là ;
insatiable dans ses vues sur toi, dès que tu auras trouvé le moyen de
la saisir, elle te conduira pas à pas d'écart en écart ; le dernier
commis ne sera jamais qu'un acheminement à celui par lequel elle se
prépare à se soumettre à toi de nouveau."
Marquis de Sade, Histoire de Juliette ou les prospérités du vice
"La loi saisit l'homme dès le berceau, lui impose un nom qu'il ne pourra changer, le met à l'école; ensuite le fait soldat jusqu'à la vieillesse, soumis au moindre appel. Elle l'oblige à quantité d'actes rituels, d'aveux, de prestations; et qu'il s'agisse de ses biens ou de son travail, elle l'assujettit à ses décrets dont la complication et le nombre sont tels que personne ne les peut connaître et presque personne les interpréter."
P. Valéry, Fluctuations sur le mot "Liberté"