Fringale
"Je dis que j'ai connu la faim, la coriace, l'insurmontable. Celle qui mine la tête de vertige, qui arrache les jambes. Celle des matins glacés, où plèbe entre la plèbe, à cinquante gueux en nous battant, nous ramassions dans la rigole les primeurs avariées pour les bouffer. [...] J'aurais renié mon nom pour un bout de pain. A certains moments, j'aurais vendu ma peau pour un bol de soupe. La faim il faut en parler : ça a son importance dans une psychologie. J'ai eu tout le temps d'apprendre. Quand on a interminablement faim, que la faim exaspérante s'accroche à vous, ça vous conduit à tout accepter de tout le monde. Qu'on ne vienne pas me dire que la faim a la révolte : ce n'est pas vrai. ça vous ramollit, au contraire. On a le sourire obséquieux pendu à la bouche. Toute l'existence se centre d'un coup sur un repas complet. ça tourne à l'obsession. on y perd dignité, honneur et orgueil.
Louis Calaferte, Requiem des innocents
"...Elstir qui, obligé de rester enfermé dans son atelier,
certains jours de printemps,
où savoir que les bois étaient pleins de violettes
lui donnait une fringale d'en regarder...".
Proust, la Prisonnière
La faim juste ? T'y fies l'émoi ? - Rien !